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Les mamans raccrochent les crampons

Dernière mise à jour : 24 mai 2019


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Bérangère Sapowicz. DR

Les places valent de plus en plus cher au sein des équipes de D1 féminine. Les joueuses le savent et acceptent de nombreux sacrifices. Jusqu’à renoncer à la maternité.


Deux bébés pour une fin de contrat. Le désir de maternité de Bérangère Sapowicz, ancienne gardienne internationale du Paris Saint-Germain, a été exaucé un peu plus vite que prévu. L’arrivée précipitée de ses jumeaux l’a contrainte à hâter ses adieux. « On était en 2013, j’avais 30 ans et je voulais devenir maman coûte que coûte. J’enchaînais les grosses blessures, alors je me suis dit que c’était le bon moment. Mais mes bébés m’ont fait la bonne surprise d’arriver plusieurs mois avant la fin de mon contrat ! », sourit l’ancienne Bleue, devenue patronne de son entreprise de coaching et entraîneuse des gardiens de l’AS Fabrègues (Hérault).


Bérangère Sapowicz avait pris les devants avec Paris. Tout était convenu : il n’y aurait pas de nouveau contrat. À l’image des rares joueuses pros devenues mères en France, la gardienne n’est jamais revenue au haut niveau. En première division, c’est bien simple, aucune footballeuse n’a poursuivi sa carrière après un accouchement. Capitaine emblématique de l’Olympique Lyonnais, Sonia Bompastor avait réfléchi à raccrocher les crampons le temps de fonder une famille. Mais la réalité du métier l’a vite rattrapée. « J’avais 26 ans et j’hésitais. On en parlait beaucoup dans le vestiaire entre nous. Mais j’aurais mal vécu le fait d’être éloignée de mon enfant chaque week-end et lors des compétitions internationales. Le groupe vivait en vase clos. Il n’y avait pas la place pour la famille », pointe la directrice de la formation des féminines de l’OL, devenue mère de trois enfants — dont des jumeaux — depuis la fin de sa carrière.


Une star du PSG cache sa grossesse


A en croire Bérangère Sapowicz, la question de la maternité « n'était pas taboue » dans le secret du vestiaire. En revanche, dans le bureau de la direction, le silence est d'or. L’ancienne gardienne du PSG, qui a rejoint l’encadrement du club, l’a constaté en 2015. « Paris venait de recruter Fatmire Alushi. C’était LA star de la sélection allemande. Mais elle attendait un enfant et l’a caché à l’ensemble du club. Elle a même joué une finale de Ligue de champions alors qu’elle était enceinte de trois mois. Lorsqu’elle nous l’a révélé, on était sous le choc. Mais au moins les médecins étaient rassurés, Fatmire multipliait les malaises inexpliqués… » L’Allemande de 26 ans aurait eu peur de perdre son contrat. Pourtant, le PSG se serait montré prêt à l’accompagner. « Fatmire disait que ce n’était pas une fatalité, qu’elle comptait revenir au plus haut niveau… On n’a jamais eu de nouvelles. »


Sonia Bompastor. DR

Une histoire inimaginable aux Etats-Unis. Dans la meilleure ligue professionnelle au monde, tout est prévu pour accompagner les joueuses. Dernier exemple en date, le cas de Sydney Leroux Dwyer. En mars dernier, l’attaquante d’Orlando, déjà maman d’un enfant, faisait les gros titres. Après six mois de grossesse, elle s’entraînait encore avec son club. « Aux Etats-Unis, c’est culturel. Les clubs adaptent les entraînements, gèrent la logistique, s’occupent des nourrices, laissent les familles partager les mêmes hôtels que les joueuses lors des déplacements… », envie Sonia Bompastor, qui a réalisé un intermède de deux ans au club de Washington.


La peur de ne jamais revenir au haut niveau


« En France, le foot se professionnalise sans prendre en considération les particularités de la femme. La Fédération ne s’en est jamais préoccupée », dénonce Bérangère Sapowicz. Une absence de prévention et d’accompagnement dissuasifs pour les joueuses. « La médecine organisée au sein des fédérations ignore que les sportives peuvent vouloir être enceintes », s’étonne le gynécologue et médecin du sport Thierry Adam. Avant d’énumérer ses griefs : « Le manque de soutien au sein des fédérations, la crainte d'être rayée des listes des "bonnes athlètes", le manque d'informations sur la prise en charge de l'entraînement pendant la grossesse et sur la reprise après l'accouchement, les problèmes d'organisation ensuite pour s'occuper du bébé pendant les stages et les compétitions… Tout ça pousse beaucoup de sportives à reporter leur projet de grossesse après la fin de leur carrière. Avec le risque d'une baisse de fertilité liée à leur âge ».


Bérangère Sapowicz n’a pas voulu prendre ce risque. Dans son ancienne équipe, elles étaient nombreuses à vouloir fonder une famille à l’issue de leur carrière. Aujourd’hui, aucune d’entre elles n’est encore devenue mère.

Jérôme Gallo


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« On peut s’entraîner jusqu’à la fin de la grossesse »

Trois questions à… Thierry Adam, gynécologue et médecin du sport


Une femme peut-elle revenir au sport de haut niveau après un accouchement ?


Oui, d'autant plus vite si elle a poursuivi l’entraînement durant sa grossesse. La condition physique revient beaucoup plus vite que la puissance musculaire après un accouchement. Dans un sport comme le foot, il ne faut pas négliger non plus la solidité articulaire et l'équilibre. Une joueuse peut retrouver une bonne condition physique dès trois mois après l'accouchement, la puissance musculaire dès six mois, comme la solidité des appuis.


A partir de combien de mois une sportive doit-elle arrêter l'entrainement ?


On peut s'entraîner jusqu'à la fin de la grossesse à condition que l'examen obstétrical ne dépiste pas d'anomalie. Pour une footballeuse, l'entraînement doit être évidemment modifié. A la fin du troisième mois, il faut arrêter l'entraînement au football et s'orienter vers un entraînement purement physique, à base de course à pied, le plus longtemps possible. C'est le trio "sportive-préparateur physique-gynécologue" qui détermine l'intensité de l'entraînement et jusqu’à quand il peut se poursuivre. Quand la course devient difficile, on change de sport : marche, marche rapide, vélo, vélo stationnaire, natation, etc.


Les structures médicales sont-elles suffisantes ?


Il en faudrait plus. En Belgique, il y a la consultation de gynécologie du sport au CHU Brugmann, à Bruxelles. A ma connaissance, en France, les Bretons sont les meilleurs. Ils ont créé à Morlaix, grâce au Dr. Matthieu Müller, un centre dédié à la prise en charge des particularités médicales des sportives de haut niveau.

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