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Les espoirs face au mur de l'avenir


L'équipe des moins de 19 ans du Paris Football Club.

« Je sais qu’il me faut un travail à côté », déplore Eva*, visage juvénile constellé de taches de rousseur. À quelques semaines du bac, la lycéenne ne se berce pas d’illusions. Sa vie, elle ne la gagnera pas avec le ballon rond. Pourtant, depuis trois ans, elle vit au rythme du football au sein du sport études de Brétigny-sur-Orge dans l’Essonne. À raison de quatre entrainements hebdomadaires et de matches le weekend, l'attaquante tape la balle plus de 10 heures par semaine. Pas de doute, le football est une passion. Et Eva le confie : « il ne deviendra pas un métier».


Curieux aveu pour celle qui a choisi voilà trois ans de s'inscrire dans une section de sport-études, unique établissement du genre en région parisienne. Ici, côté cours, les élèves suivent un enseignement général ou technologique au lycée Jean-Pierre-Timbaud de Brétigny ; et côté terrain, les filles jouent chez les juniors du Paris Football Club (PFC) dont l’équipe adulte pointe à la cinquième place de D1, le championnat féminin. Loin d’être de simples amatrices, Eva et ses camarades, Audrey ou Sara*, ont décidé de franchir un cap avec ce sport-études. Pourtant, ces étoiles montantes du sport roi peinent à envisager un avenir doré.



Des infrastructures inadaptées


« Je veux un projet stable entre les cours et le sport », martèle Audrey. Soucieuse de ne pas rêver trop grand, l'adolescente se laisse parfois gagner par la désillusion. « Je veux continuer mes études comme s’il n’y avait pas le foot », scande Eva, presque martiale. Elle le sait, cette double vie s’annonce compliquée durant les études supérieures. Les universités sont peu préparées pour ces sportives, plus amatrices mais pas encore professionnelles.


Malgré les efforts de décentralisation de la Fédération Française de Football, Eva dénonce les défaillances du système de sélection au féminin. « Les garçons, à notre âge ou même plus jeunes, ont beaucoup plus de structures » , déplore-t-elle. Quand de nombreux clubs de Ligue 1 ont leur propre centre de formation pour lancer les futurs Mbappé, seul l’Olympique Lyonnais propose son équivalent pour les filles. « Ils sont clairement en avance » reconnaît, quasi admiratif Aurélien Plet, le responsable du sport-études. Hasard ou investissement judicieux, le club lyonnais vient de gagner sa quatrième Ligue des Champions d’affilée alors que le PSG, leader de L1, n’a pas vu le carré final depuis deux décennies.

« Un rêve pas très réalisable »


Aujourd’hui, la section de Brétigny compte 26 filles contre huit à son ouverture, trois ans plus tôt. Cet engouement ravit le corps professoral mais chez lui aussi, les réticences transparaissent. « Je mets le football en troisième position, après le scolaire et le social », précise Aurélien Plet. Pas assez rémunérateur, trop peu développé… Le football est pour lui encore un pari risqué. « En France, seule une quinzaine de filles gagnent leur vie avec ce sport ». Un contraste de plus avec leurs homologues masculins dont les salaires battent chaque année de nouveaux records.


Face à ce constat amer, les jeunes joueuses osent à peine imaginer une carrière internationale. « C’est un rêve, mais pas très réalisable » avoue timidement Audrey, sans en dire plus. Une sélection en équipe de France ? Les trois lycéennes n’y croient pas non plus. « Trop tard », admettent-elles. Désormais, elles se concentrent sur le bac cruellement programmé pendant la Coupe du monde féminine.


En terminale S, Eva se veut lucide et projette de devenir architecte. Pour l’instant, un bug de la plateforme Parcoursup et un mail jamais reçu contrarient ses plans d’orientation. « Voir sa vie décidée par un ordinateur, c’est l’horreur. », résume celle qui n’a pas osé mettre son avenir entre ses pieds.


Aurélie Benoit


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