Le 18 mai dernier, c’est l’euphorie parmi les supporters lyonnais présents dans la Groupama Arena de Budapest. Leur équipe vient de remporter, face au FC Barcelone, la Ligue des Champions féminine pour la quatrième fois consécutive, un sixième sacre en neuf ans. Un nouveau titre européen qui vient clore une saison sans fausse note pour l’Olympique Lyonnais. Les joueuses entrainées par Reynald Pedros terminent également premières du championnat national et ont gagné la Coupe de France.
Avec un budget annuel estimé à 7,5 millions d’euros, les Lyonnaises ont les moyens de leurs ambitions. Au niveau national, seul le PSG, avec un budget similaire, peut rivaliser. Et cela se voit sur le terrain. Cette saison, les Lyonnaises n’ont perdu aucun match de championnat, tandis que les Parisiennes n’ont concédé qu’une défaite.
C’est une tendance au niveau européen : les grands clubs masculins sont de plus en plus généreux avec leur section féminine. En Espagne, le budget de Barcelone, en constante augmentation, est comparable à celui des Lyonnaises. En Angleterre, Manchester United a réussi à retrouver l’élite, grâce à un budget de 6 millions d’euros.
« Les droits télé sont de plus en plus importants. »
Outre-manche, la première division est, depuis cette saison, exclusivement composée d'équipes professionnelles. Une première en Europe qui témoigne de la nouvelle surface financière des clubs féminins. En France, la D1 reste essentiellement animée par des équipes semi-pro.
Les footballeuses qui évoluent en France pourraient-elles, un jour, jouer dans un championnat 100% professionnel ? Pour Vincent Chaudel, spécialiste en conseil dans le secteur du sport, « la question n’est pas de savoir si cela va arriver, mais quand ». Pour que les « filles » passent professionnelles, ils faut que l’économie autour se mette en place. Autrement dit, que l’argent des sponsors et des droits télé afflue. « C’est ce qui se passe dans le foot anglais », poursuit Vincent Chaudel. La banque Barclay’s vient de signer un contrat à plus de 11 millions d’euros avec la fédé pour accoler son nom à celui du championnat pendant trois ans.
« Les droits télé sont de plus en plus importants », ajoute l’expert. Depuis cette saison, Canal+ diffuse deux match par semaine, multipliant par 6 les montants des droits par rapport au précédent contrat. Et la prochaine Coupe du monde devrait donner un coup d’accélérateur supplémentaire à la notoriété du foot féminin. « Si succès populaire il y a, les choses peuvent aller assez vite », estime Jean-Pascal Gayant, professeur de sciences économiques à l’Université du Mans.
Après tout, il y a déjà une ligue professionnelle féminine de basket en France, et le « football étant plus populaire en France et en Europe », le marché sera prochainement assez important pour qu’une telle ligue existe, projette le chercheur. Cela pourrait alors s’accompagner « d'une forte progression des droits TV ». Et s’ils sont répartis équitablement, « le déséquilibre compétitif devrait se réduire ».
Les petits et les gros
Derrière Paris et Lyon, les autres clubs se partagent pour l’instant des miettes. Si Montpellier, acteur historique du foot féminin, dispose d’un budget correct de 1,6 million par an, et s’offre parfois une place en finale de la Coupe de France ou un parcours européen honorable, le club le moins bien doté, le FC Fleury, fait lui figure de petit poucet, avec 600 000 euros annuels.
Des inégalités qui se répercutent en termes de rémunérations. Quand les stars lyonnaises gagnent plusieurs dizaines de milliers d’euros par mois, le salaire moyen de la D1, hors Lyon et Paris, est de 1800 euros. Les joueuses des plus petits clubs doivent se contenter de contrats fédéraux, et sont considérées comme semi-professionnelles.
Ces déséquilibres réduisent l’intérêt sportif du championnat. Les matchs à sens unique, comme le 7-0 infligé par les Lyonnaises à Guingamp, ont peu de chance de passionner les spectateurs. Mais le niveau général pourrait s'améliorer, grâce aux investissements d’autres clubs masculins. Les Girondins de Bordeaux vont doubler le budget de leur section féminine, et Marseille, qui réintègre la D1 la saison prochaine, vient d’investir 6 millions d’euros dans son centre d'entraînement.
Le championnat féminin a-t-il nécessairement besoin des hommes pour se professionnaliser ? Pas forcément, selon Vincent Chaudel, mais ça aide. « Le grand public a l’habitude d’entendre ces noms », note-t-il. Attention toutefois à ne pas laisser les clubs historiques sur la touche. « La culture du football féminin est traditionnellement attachée à d'autres villes ou d'autres clubs, comme Soyaux, Rodez ou Fleury », rappelle Jean-Pascal Gayant. « Il serait nécessaire de ne pas balayer cet acquis et de construire une ligue mixte », composée à la fois de sections féminines de clubs masculins et de clubs féminins historiques. « Je ne me fais malheureusement pas beaucoup d'illusions », regrette le chercheur.
En Angleterre, la question ne se pose plus. Les 12 équipes engagées dans la Super League féminine la saison prochaine sont toutes adossées à un club masculin de première ou deuxième division.
Damien Choppin
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