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Dans le football féminin, les lesbiennes en mal de reconnaissance




Le football féminin, un sport de lesbiennes ? Pas vraiment. Et pour cause, la lesbophobie (jonction entre sexisme et homophobie) pollue encore un milieu en mal de modèles positifs.


Veronica Noseda, membre active du club de foot parisien « Les Dégommeuses », se souvient encore de cette scène lesbophobe en 2015. Alors que les joueuses de cette association LGBT débarquent au stade Louis-Lumière (Paris 20e) pour s’entraîner, un coach responsable d’un groupe de jeunes leur refuse l’accès au terrain. Il encourage alors ses protégés à huer les jeunes femmes en criant « lesbiennes ». Les Dégommeuses, engagées contre les discriminations et fortes d'une cinquantaine de joueuses, ont porté plainte : l’affaire a été classée sans suite.


« La lesbophobie est habituellement plus sournoise, explique Veronica Noseda. Elle se manifeste plutôt via des injonctions de féminité stéréotypée : il faut que les joueuses aient les cheveux longs, qu’elles aient un petit copain, qu’elles répondent aux journalistes qu’elles peuvent rester féminines en jouant sur un terrain de foot... » La porte-parole de ces footeuses qui dérangent mentionne aussi une « présomption d’hétérosexualité » au sein même du vestiaire, qui conduirait certaines femmes à se cacher par crainte des représailles. Ou encore, « un sentiment très présent qu’il faut cacher les lesbiennes, qu’elles sont une honte. » Une ancienne coach de son équipe, ex-Bleue, s’est vue qualifier par son entraîneur de « trop moche pour porter les couleurs de l’équipe de France », à cause de son style jugé « masculin ». Une homophobie moins ostentatoire que chez les hommes : « On ne voit pas de banderole avec marqué ‘sale gouine’ dessus », observe Julien Pontes, porte-parole de l’association Rouge Direct, engagée contre les chants homophobes qui résonnent dans les stades. « Il y a moins de débat autour de l'homosexualité des femmes – et il y a peut-être beaucoup plus de tolérance, et moins de répercussions », suppose l’ancienne joueuse Marinette Pichon, une des premières sportives françaises à avoir fait son coming-out en 2000. Pour Veronica Noseda, « l’invisibilité de la lesbophobie fait écho à celle des lesbiennes et des femmes dans le foot. »


À l’international, une lesbophobie à géométrie variable


La violence verbale s'assume ouvertement dans les pays où l’homosexualité est punie par la loi : en 2011, l’ancienne sélectionneuse de l’équipe nigériane Eucharia Uche affirme que le lesbianisme est « une chose sale » et « moralement et spirituellement mauvaise ». D’après le New York Times, elle n’aurait jamais été témoin direct de saphisme au sein de l’équipe, mais se baserait sur le cliché selon lequel le football serait un sport de lesbiennes. Depuis, elle ne s’occupe plus des joueuses nationales, mais l’homophobie reste bien présente. Ce n’est pas toujours mieux dans les pays supposément progressistes : la défenseuse suédoise Nilla Fischer, mariée à une femme, a confié au Guardian que son équipe a bien réagi à son coming out, qui a suscité « beaucoup de haine » sur les réseaux sociaux. Pas de quoi refroidir la joueuse scandinave : « L’ampleur de ces réactions montre qu’il reste encore beaucoup à faire et que nous devons nous exprimer davantage, car nous ne sommes pas encore considérées comme normales », ajoute-t-elle.


Malgré tout, des lesbiennes affichées fouleront la pelouse de la Coupe du monde en juin. A l'échelle mondiale, les États-Unis dégomment les tabous : non seulement l’équipe compte trois joueuses homosexuelles dans ses rangs (dont deux fiancées), mais sa sélectionneuse, Jill Ellis, est ouvertement lesbienne. Trois footballeuses homosexuelles joueront pour la Suède. Les équipes sud-africaine, néo-zélandaise et norvégienne comptent chacune une joueuse qui aime les femmes. Un tout petit quota difficilement imaginable du côté masculin, qui ne compte aucun joueur officiellement gay.


Aucun porte drapeau en France


En France, seule l'ex numéro 9 Marinette Pichon est sortie du placard. Elle se dit « contente de susciter de l'intérêt et de pouvoir passer, à travers [sa] vie privée, des messages. » Si aucune joueuse française actuelle n’a fait son coming-out, Veronica Noseda espère tout de même qu’une « petite graine a été plantée » après le court passage de Megan Rapinoe, milieu de terrain américaine, à l’Olympique Lyonnais.


Marinette Pichon s'affiche plus réservée : « Je ne suis pas sûre que les coming-out collectifs soient une bonne chose non plus. Ce choix est propre à chacune. Quand tu es hétéro, tu ne rentres pas dans une place en disant ‘Eh salut les gars je suis hétéro !’. Pourquoi les homos devraient faire ça ? ». Veronica Noseda comprend "parfaitement celles qui ont envie de faire profil bas. Je pense néanmoins que ce n’est pas une stratégie gagnante pour avoir plus de perspectives. Mais c’est une discussion que j’aimerais avoir les yeux dans les yeux avec elles. ». Si elle n'"aime pas les injonctions", Veronica Noseda n'en lance pas moins une invitation à sortir du placard.

Floréane Marinier

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