La France accueille pour la première fois la Coupe du monde de foot féminin. L’engouement pour les Bleues sera-t-il aussi fort que pour leurs homologues masculins ? Rien n’est moins sûr. L’histoire du football féminin est loin d’être un long fleuve tranquille. Nous avons voulu esquisser l’historique d’une pratique encore marginale avec Carole Gomez, chercheuse à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), co-rédactrice d'un rapport sur le football féminin présenté jeudi 23 mai.
À quand remontent les premières traces du foot féminin ?
On considère les Anglaises comme les pionnières du football moderne. Mais nous savons qu’il existe d’autres formes de football plus anciennes. Notamment dans des jeux traditionnels chinois et dans les sociétés latino-américaines. Le foot féminin s’est développé en Angleterre dans les années 1870-1880. Les premières joueuses étaient issues de milieux aisés car ce sport se développait principalement à l’université. Mais en l’espace de quelques années, la pratique s’est démocratisée et a touché toutes les franges de la société.
Et en France ?
Il a fallu plus de temps. Selon les données dont nous disposons, la première équipe de foot féminin française s’est constituée en 1912 à Paris, dans le club omnisports Femina Sport.
La Première guerre mondiale a-t-elle eu un impact sur la pratique du foot féminin ?
Évidemment. À cette époque, les femmes remplacent les hommes dans les usines. La guerre aurait pu mettre fin à la pratique du foot féminin mais il n’en fut rien, bien au contraire ! Les dirigeants d’usine les encouragent à former des équipes de foot et à jouer pour montrer leur patriotisme (rires). En Angleterre, c’est l’âge d’or du football. Mais tout s’arrête brutalement à la fin de la guerre quand la fédération anglaise décide en 1920 de freiner l’essor de cette pratique. En France, ce contre-coup viendra quelques années plus tard.
Pourquoi ce brusque retour en arrière ?
Des millions de personnes ont péri pendant la guerre et il faut repeupler. On essaye donc de forcer les femmes à retourner à la maison pour s’occuper des enfants. Afin de les faire renoncer au football, on invoque des motifs farfelus comme la pudeur. On considère à l’époque que faire du sport en public, et qui plus est en pantalon, est impudique. On évoque aussi des motifs sanitaires.
C’est-à-dire ?
Certains médecins affirment par exemple que les chocs sur le terrain peuvent altérer les organes reproducteurs des joueuses et les rendre stériles. Bien sûr, c’est ridicule. Mais à l’époque cette fausse information a eu un impact dévastateur. Le gouvernement de Vichy déclare en 1941 le football « interdit aux femmes ».
Quel événement fait revenir les femmes au football ?
En 1968, une date loin d’être anodine (rires), le club de foot de Reims forme sous l’impulsion d’un entraîneur une équipe féminine. C’est pour moi ce qui marque le renouveau de la pratique car cela permet d’attirer l’attention des médias. Même si, vous l'imaginez bien, les commentaires des journalistes de l'époque sont très misogynes… Mais à partir de là, plusieurs équipes se constituent. En 1970 se tient la première Coupe du monde féminine en Italie, non reconnue par la Fédération internationale de football association (Fifa), à laquelle la France ne participe pas. Des joueuses de l'hexagone sont par contre qualifiées pour le Mondial de l'année suivante. Le monde prend alors conscience que ce n’est pas la lubie de deux ou trois femmes mais un mouvement bien plus global. Il a tout de même fallu attendre 20 ans, en 1991, pour que se tienne le premier Mondial féminin officiel. Mais même en 2019, le foot reste considéré comme un sport créé par des hommes pour des hommes. Contrairement au basket, au hand ou au volley par exemple qui se pratiquent à l’école. Donc autant par des filles que par des garçons.
Reportage sur l'équipe Reims diffusé dans l'émission Stade 2 le 27 mars 1977 - archive INA
Pauline Dumonteil
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